« Se taper l’incruste à l’indienne »
12/10/2022 Bonjour à toutes et à tous,
C’est ce qu’on appelle se taper l’incruste à l’indienne.
Quand il m’a annoncé qu’il y avait une heure d’attente pour Auroville avant d’être servie, j’ai vu rouge.
Comprenez, nous ne pouvons rivaliser, financièrement parlant, avec les guests qui eux, paient plein pot les commandes !
Donc ils sont prioritaires dans le service.
Même vis-à-vis des résident·e·s, qui, comme moi, se dépêchent de manger un bout avant l’aller attaquer le travail !
Cest quand même hallucinant que dans une Unité d’Auroville, à Auroville, on soit des consommatrices et consommateurs de seconde classe…
Bref, je ne suis pas énervée et j’ai bien expliqué au Monsieur qu’il fallait que je mange de toute urgence avant d’aller travailler…
Impossible donc d’attendre une heure, on m’attendait là-bas, le tout accompagné d’un geste très approximatif du bras…
Même si les frites m’étaient servies avant l’assiette de crudités.
Même si le verre de jus de fruits arrivait en dernier.
Même si…
Et puis, j’ai adopté la tactique de la file indienne qui a le don de nous énerver, nous autres occidentaux.
Mais attention, il ya file indienne et file indienne…
Alors, montre en main, et tout en m’occupant, je suis bien venue voir 5 ou 6 fois si, au hasard… mes frites ne pouvaient pas être cuites avec la prochaine fournée ?
Toujours en restant calme et polie, ça coule de source.
Parce que je vous défie de me dire de quand date la dernière fois que vous avez vu un·e indien·ne s’énerver.
Simplement parce qu’ici on déteste le comportement des gens qui s’énervent.
Tiens, vous ferez le test, un jour au guichet, par exemple.
Plus vous vous énerverez, moins on vous calculera, tout en restant poli et courtois en face de vous, excellente démonstration de maîtrise de soi.
Ben oui, exactement comme on punirait en Occident un enfant capricieux en l’ignorant !
Autant déjà vous prévenir que, malgré toute l’importance que vous accordez à votre petite personne, c’est vous qui allez vous plier à l’Inde, 1.38 milliard d’habitant·e·s, et pas le contraire…
Donc, voilà, j’ai fait le guet, en me manifestant régulièrement, calmement, poliment.
Et surtout… en passant sans vergogne devant tout le monde à chaque fois !
Voilà tout le secret de la tactique indienne.
Ici tout le monde gratte tout le monde, ça se pratique comme un sport national.
Vieille, vieux, jeune, indien·ne ou pas, pas de quartier, chacun·e pour soi.
Alors si cela ne se pratique guère entre aurovilien·ne·s ; on a gardé quelques réflexes archaïques de courtoisie, avec les guests indiens des autres régions, je n’ai aucun état d’âme.
Au début on peut être choqué par la pratique, mais après on se décomplexe et on se fond dans la masse !
Au pire, on vous jettera un coup d’œil, comme à une curiosité blanche qui adopte un comportement indien.
Au mieux, personne ne vous dira jamais rien et vous laissera vous exprimer en priorité.
Moralité, mon déjeuner m’a été entièrement servi en 30 minutes…
En moitié moins de temps qu’annoncé et à la différence d’autres personnes non indiennes qui ont immédiatement tourné les talons, j’ai mangé, moi !
Bien à vous,
Isabelle
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