Petite chronique « Sauvé de la noyade…

« Sauvé de la noyade »

23/08/2024 Bonjour à toutes et à tous,

Des bestioles, j’en avais sauvé de la noyade, de l’abeille au lézard, en passant par les souris et les oiseaux, mes plus grosses interventions.

Mais ce sauvetage-là, je suis certaine qu’il ne m’arrivera qu’une fois dans ma vie.

Il avait dit d’accord, je t’accompagne pour marcher, même si le rendez-vous fixé à 7:30 lui paraissait un peu matinal.

Mon argument de rentrer avant que le soleil ne cogne trop fort l’avait convaincu.

De même, marcher à pied permet de découvrir et d’apprécier tout à fait autre chose que le même circuit fait à vélo ou à moto.

De plus, je lui expliquais que mon parcours est toujours improvisé, que je me laisse guider au gré de mes intuitions, et c’est souvent plein de surprises.

À peine avions-nous gravi une petite butte qu’une vache, traversant le grand plateau dénudé, chemina dans notre direction.

Fait relativement étrange en Inde où les vaches, bien qu’évoluant librement au milieu des humains, ne cherchent pas du tout à entrer en contact avec eux.

Mais tout à coup, tournant mon regard vers la gauche, je vis soudain quelque chose qui se mouvait dans une longue et étroite pièce d’eau créée artificiellement.

La vache capta immédiatement le fait qu’on avait vu aussi, et nos pas convergèrent vers le même endroit, tandis qu’elle se mit à meugler.

Je découvris avec horreur qu’un très jeune veau était tombé dans le piège constitué par cette fosse profonde au parois recouvertes d’épais plastique noir.

Ses courtes pattes l’empêchaient d’atteindre le rebord glissant pour s’extraire, et sans doute était-il là depuis un moment car il soufflait bruyamment.

A un moment je pus lui caresser le museau et le rassurer de ma voix, tandis qu’il se débattait dans l’eau verdâtre.

La vache s’était rapproché d’un bord et il essayait désespérément, réunissant ses dernières forces, de se hisser jusqu’à elle.

Je retrouvais immédiatement mon bon sens pour organiser un sauvetage efficace en urgence.

Attrapant une, puis deux planches de coffrage empilées en tas, je les jetais dans la fosse, puis les lestais d’un côté de briques rouges pour tenter de créer une rampe.

Mon collègue, pris de panique, essayait en vain de dégager une longue pièce métallique pour que nous la jetions à l’eau dans le même but.

Malheureusement, le poids l’entraîna immédiatement au fond de la tranchée, mais le temps pressait et le veau étant épuisé, je redoutais qu’il ne se noie sous nos yeux.

Nous avions sondé la profondeur, et il nous parut très imprudent de se risquer dans l’eau pour le sauver.

A un moment, le veau s’approchant d’un bord, je courus de son côté et lui saisit la tête pour la lui maintenir hors de l’eau.

Mon ami m’ayant rejointe, sans réfléchir davantage, je lui criais de saisir une patte avant tandis que je faisais de même avec l’autre.

L’instant d’avant, j’eus soudain le souvenir qu’une vache pesait environ 700 kilos, alors à deux nous devions être en capacité d’effectuer cet ultime geste.

Malgré le poids du veau et l’effet ventouse de l’eau, je ne sais quelle force nous habita à ce moment, mais en une fraction de seconde, nous avions tiré le veau de l’eau !

J’eus soudain l’étrange vision d’accoucher le petit, chacun tirant sur une patte pour le sortir en force de là…

L’instant d’après il courait vers sa mère qui se mit à lui lécher méthodiquement tout le corps.

Je puis vous assurer qu’il n’y avait pas que le veau qui était parcouru de tremblements…

Nous sommes restés un moment auprès d’eux pour nous remettre aussi de nos émotions, sous le regard bienveillant d’une deuxième vache, la tante ou la grand-mère du petit ?

En leur faisant nos adieux j’ai tendu le bras en direction du museau de la mère, malgré les mises en garde de mon ami, et la vache huma longuement ma main.

Ayant gardé mon sang-froid jusqu’en début d’après-midi, avec un agréable déjeuner dans la suite de mon programme, le contrecoup de cette terrible expérience me tomba dessus peu après.

Je demeurais anéantie physiquement jusqu’au soir…

Bien à vous,