« Le sentiment océanique »
22/10/2016 Bonjour à toutes et à tous,
La séance d’adieux a été brève.
Mon téléphone, son téléphone, nos tasses de Chai au milieu.
Puis les galons sur les tuniques et le livret d’Auroville à glisser en hâte dans mon sac.
Et en outre le reste de pommes de terres, et… la tablette de chocolat noir pointe de piment !
Mais pour rien au monde je n’aurai voulu rater cette étreinte avant de nous séparer.
C’est son téléphone qui lui a rappelé qu’elle était en retard à son cours…
J’ai dévalé les escaliers quatre à quatre, tout comme je les avais montés.
Le vieux banc de ciment gris planté au milieu de la pelouse n’avait pas bougé d’un poil.
Le virus, vous savez celui que j’ai décrit dans la Petite chronique d’hier, et ben c’est elle qui m’en a parlé.
Car depuis, elle ne peut plus s’en défaire, elle non plus…
Le virus de l’Inde !
Bon, sauf que ça fait trente ans qu’il la dévore 🙁
Le sentiment océanique… Freud… Romain Rolland… qu’elle m’a lancé, presque sur le palier !
Moi, j’ai pris tout ça avec le chocolat noir pointe de piment.
Et j’ai couru le plus vite possible pour chercher à comprendre.
Ah mon dieu ! Oh my god !
En effet, je suis bel et bien infestée par ce virus dont j’ai ressenti tous les symptômes en Inde.
Certes bien avant de l’identifier.
Je comprends soudain ces frissons qui me parcourent le corps des jours durant.
Et cependant un sentiment extraordinaire de grâce, de béatitude et de reconnaissance profonde qui me berce.
Comme ces moments de jouissance extrême, caressée par le vent, le soleil, la terre, la mer indienne.
Et aussi cette communion intense avec les arbres, les oiseaux, les fleurs, les fruits, la nature.
Ainsi que cette sensation d’osmose avec le monde entier qui s’engouffre dans presque tous mes pores.
Je comprends enfin cette humilité face au macrocosme.
Poussière que je suis, baignant dans la douce pénombre, j’admire la nuit étoilée.
Je comprends alors cette unité dans mon corps, dans mon coeur, reliés au Tout.
Une révélation ultime, une connaissance jamais révélée, une conscience jamais atteinte.
(…) Une fois que tu as pris le virus, plus rien ne peut l’éradiquer…
La seule thérapie est d’y retourner toujours et encore, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
C’était la fin de la phrase que M. m’avait écrite.
Planter un rosier près du vieux banc en ciment.
Si tu pouvais faire ça pour lui en rentrant, c’est ce qu’il m’a demandé au passage…
Bien à vous,
Isabelle