« Le Chemin des Crottes »
02/02/2025 Bonjour à toutes et à tous,

A la vue du spectacle qui s’offrait à nos yeux, j’ai bien reconnu là l’exacte réplique du Chemin des Crottes, comme rebaptisé jadis par ma mère.
En effet, ma mère habitait dans le centre d’un village, traversé par une rue principale.
L’une des extrémités de cette dernière était coupée par une petite voie perpendiculaire qui desservait principalement des garages.
C’était un raccourci afin de regagner le centre-village, mais c’était aussi et surtout un endroit très prisé par les propriétaires de chiens.
En effet, ils et elles pouvaient y emmener à loisirs faire crotter leurs clébards, à l’abri des regards et bien sûr sans la contrainte de ramasser les déjections.
Ma mère, qui empruntait ce chemin plusieurs fois par jour, l’avait donc rebaptisé le Chemin des Crottes.
Effectivement, ça changeait de son nom de baptême, Rue de Derrière la ville…
Ce jour-là donc, l’un d’entre nous équipé de son super Google Maps, nous ouvrait la voie.
Maintenant doté d’une fonction qui permet de visualiser l’espace en direct pour s’orienter, l’appli nous guida dans un chemin de derrière la ville, justement.
Aussitôt, femmes enfants et hommes s’y engouffrèrent, confiantes et confiants en la nouvelle technologie.
Mais au bout d’un moment, une odeur pestilentielle commença à inquiéter un peu tout le monde.
Observant de plus en plus de crottes joncher le chemin et flotter sur un lit de boues douteuses, presque plus aucun doute n’était possible.
Pour celles et ceux d’entre nous qui étaient équipé·e·s de bottes, la traversée pu se poursuivre sans trop de difficulté.
Mais pour celles et ceux qui, comme moi, n’étaient chaussé·e·s que de baskets, la progression s’avéra problématique.
À l’instar d’un de mes proches, je tentais de franchir le passage en grimpant sur un muret, avançant à pas chassés, le corps arc-bouté dans le vide.
Cramponnée de toutes mes forces avec mes petits bras à un grillage vétuste qui menaçait de céder à tout moment, je dus me rendre à l’évidence.
Non, je n’avais ni la force physique ni les aptitudes d’un militaire expérimenté… mais que faire maintenant que j’étais engagée dans cette galère ?
Je progressais ainsi, centimètre par centimètre, suspendue au-dessus du vide, et surtout surplombant un champ de déjections entremêlées de papier rose partiellement décomposé…
J’imaginais avec horreur une chute sur le dos, avec un immense plash et ma blanche parka criblée de merde !
Celui qui progressait devant me donnait des conseils et m’encourageait.
Cependant, les ronces m’agrippaient tour à tour le visage, le bonnet, les vêtements et bien sûr la peau des mains.
Je ne voyais rien, je ne sentais rien, j’étais à bout de force et à bout de bras, une seule pensée… sortir de là au plus vite.
Je pus enfin poser un pied, puis deux sur la terre ferme, avec un grand soupir de soulagement.
De toute évidence, suite aux inondations, une bouche d’égouts avait évacué son trop plein en milieu naturel, mais ça, Google Maps ne le savait pas.
Quant à celui d’entre nous qui s’avérait être le maître de Google Maps, il avait préféré renoncer à entreprendre ce périple.
Ayant immédiatement fait demi-tour, il nous rejoindra par un autre chemin.
Pour sa défense, il faut préciser qu’il était le seul de l’équipe à avoir foulé le sol breton durant tout le séjour équipé de nu-pieds, mais avec chaussettes…
Bien à vous,
Isabelle