« Éloge de la faiblesse »
17/11/2014 Bonjour à toutes et à tous,
Et si se lever le matin pour aller bosser était un acte de courage ?
Et si je n’avais pas le courage de répondre à la norme ?
Et si le courage d’être soi n’était pas une priorité ?
A peine démarré, voilà que le débat part d’emblée à contre-pied du thème proposé par La Villa Gillet.
Le courage d’être soi, au Théâtre des Célestins prend des airs d’Éloge de la faiblesse…
Autour de la table, trois femmes invitées du 3ème Festival Mode d’emploi, s’interrogent à voix haute, alors que Hélène Cixous vient de finir la lecture d’un passage de son livre Homère est morte.
Beatriz Preciado, Cécile Guilbert, Catherine Millet, pourquoi avoir été, moi, invitée à m’exprimer sur ce thème, se demandent-elles chacunes ?
Jusqu’à quand va t’on continuer avec ce mythe de la mère courage, au point de n’inviter que des femmes sur le plateau ?
Le ton est donné, la salle adhère tout de suite, devant tant d’audace à dire et penser les choses autrement…
Revendiquer le manque de courage, c’est s’offrir la possibilité d’inventer d’autre modes d’emploi pour son corps, ne pas répondre à la forte demande d’appartenir à une fiction politique bien ancrée.
Alors que tout aurait pu tourner en rond, voici que chacune prend sa liberté de déroger au modèle dominant, se revendiquant être soi en dehors d’une norme, d’une pensée, d’une référence à un genre, un sexe ou une race.
Il est des jours où la pensée collective est capable de miracle.
Heureuses celles et ceux qui ont pu entendre de la bouche de Beatriz Preciado ce pertinent « le courage d’être soi, c’est de ne se comparer à personne. »
Départ du couple de jambons-beurre de la rangée de devant, baguette sous le bras d’ailleurs.
Après le magazine feuilleté bruyamment durant la lecture de Hélène Cixous, je crois qu’ils ont eu peur d’émeute cette fois, vu le ton que prend la discussion sur scène…
« J’ai tout de suite envie de faire la révolution politique avec vous, quand je suis ici, dans un événement gratuit, au lieu de consommer de la merde à 2 balles dans un supermarché !!! » s’écrie Beatriz Preciado.
Et le débat engendre déjà beaucoup d’autres questionnements…
« Est-ce un acte obligatoire, pour une femme, de connaître la maternité ? reprend Béatriz Preciado, le système de représentation politique impose de se définir constamment, je ne suis pas un centre de reproduction national, la maternité est une pratique culturelle ! »
Ces dernières réflexions inspirent à Catherine Millet deux thèmes pour la révolution : 1/ L’humanité a t-elle vraiment besoin de se reproduire ? 2/ Est-ce que l’enfant peut être un partenaire sexuel ?
Il fallait bien sentir la dose de provocation que Catherine Millet mettait derrière cette deuxième question, acculant tout un chacun dans l’obligation de palper comment on attendait de lui qu’il se range derrière une norme.
La norme c’est d’être, entre autre, soit jeune soit vieux, soit homo soit hétéro, soit homme soit femme…
Et Beatriz Preciado de rappeler comment toute son enfance a été pétrie de résistance face à des adultes normés, parce que justement, l’enfant, par essence, ne l’est pas encore.
Une deuxième vague de jambons-beurre libère alors les sièges douillets du renommé théâtre à l’italienne.
Trop c’est trop.
Mais la vague de questions qui s’ensuit alimente la jubilation du public toujours en place.
Surtout lorsque Beatriz Preciado lance un magnifique « Viens t’asseoir parmi nous, on a des choses à apprendre de toi… » en réponse à une question tellement, mais alors tellement complexe, que sur le coup on s’est tous regardés comme des ignares !
Je vous passe l’épisode de compassion avec les ragondins, toute espèce vivante étant notre égale sans discrimination d’espèce, de race ou de sexe, et vous laisserai savourer le mot de la fin lâché par Catherine Millet et retranscrit tel quel dans la Petite chronique :
« On ne fait pas que baiser quand même, on écrit aussi ! »
Bien à vous,
Isabelle