« De la marge – Suite 3.3 »
02/09/2016 Bonjour à toutes et à tous,
Cet été, je partage avec vous deux textes que j’ai présentés à des concours de nouvelles.
Ce deuxième récit (en trois parties) a été lauréat local du Concours de Nouvelles Jean Lescure en 2014.
Le cinéma Les 400 Coups participe à ce concours organisé par l’Association Française des Cinéma Arts et Essai en élisant la meilleure nouvelle reçue localement, qui sera ensuite soumise au jury national. Voici la troisième partie.
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A son tour, il était enfin entré, et tapotant amicalement la couette du lit, finit par s’y allonger dans un grognement : c’était sa marque de satisfaction.
En fait, ils ne s’étaient encore rien dit pendant ces longues premières minutes, découvrant peu à peu les lieux à quatre yeux.
Elle eut alors idée de fixer l’événement sur la pellicule, une autre de ses marottes avec la vidéo, et même si ce n’était pas son truc à lui, il se prêta au jeu après quelques protestations d’usage.
C’est sûr qu’à présent ils allaient en remplir des albums photos !
« – Bon, finit-il par lâcher, qu’est ce que tu proposes de bon, là ? Parce que maintenant je compte sur tes talents au quotidien ! »
Et ça la faisait rire de l’entendre lui dire ce genre de chose, à présent.
Et puis elle riait encore plus de le voir toujours dans le décor, une fois le repas fini.
Mais au fond, elle avait toujours su. Elle avait toujours su que c’était le seul homme qu’elle aurait pu un jour côtoyer au quotidien et à long terme.
Cela faisait si longtemps qu’ils se connaissaient…
Elle venait de divorcer quand ils se rencontrèrent pour la première fois.
Et il l’avait banalement emmenée au cinéma voir un horrible film d’horreur, tout ce qu’elle détestait !
De toute évidence, ils n’avaient pas les mêmes références cinématographiques.
Malgré cela, ils avaient continué à se fréquenter assez longtemps par la suite, mais ne fréquentaient plus les salles obscures ensemble, plutôt les terrains de foot.
Et c’était pas vraiment son truc non plus…
Jusqu’au jour où il s’est marié. Pas avec elle.
Et ils ont continué à se voir. Jusqu’au jour où il a divorcé.
Un peu comme s’ils ne pouvaient s’empêcher de toujours se retrouver entre, ou pendant, parfois, deux occupations.
Jusqu’au jour où, leurs enfants respectifs devenus déjà bien grands, elle lui lance :
« – Et si on finissait notre vie ensemble, vu qu’on ne l’a jamais commencée ensemble ??? »
Moyenne d’âge, 82 ans, a dit le directeur de la résidence en leur remettant les clefs de l’appartement 303, au troisième étage, avec vue sur les platanes verts au premier plan et la tour carrée du château en pierres dorées en fond, la voie de chemin de fer surélevée à droite, et le cinéma au pied de l’immeuble.
Ça leur laissait de la marge.
Bien à vous,
Isabelle